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Ray-Ban Stories de Facebook

Premières lunettes issues du partenariat entre EssilorLuxottica et Facebook, très symboliquement rebaptisé Meta, les Ray-Ban Stories marquent l’entrée du géant des réseaux sociaux dans l’univers des lunettes connectées. S’il s’agit d’un premier pas très prudent, les Stories s’inscrivent néanmoins dans la stratégie ambitieuse de la firme de Mark Zuckerberg convaincue qu’Internet va bientôt entrer dans une nouvelle dimension : le métavers. Voici un tour d’horizon de ce qui semble être le futur eldorado des géants du numérique.

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© RayBAn Stories

Les Ray Ban Stories : un premier pas prudent pour Meta dans l’univers des lunettes connectées

L’annonce faite en septembre 2020 d’un partenariat entre le numéro un des réseaux sociaux, propriétaire de Facebook, Instagram et WhatsApp et le leader mondial de la fabrication et de la distribution de lunettes avait forcément fait grand bruit dans le monde du numérique et de la lunetterie. Issues de cette collaboration inédite, les Ray-Ban Stories ont été présentées quasiment un an, jour pour jour, après l’annonce de cette alliance. Disponibles dès à présent aux États-Unis, en Australie, au Canada, en Irlande, en Italie et au Royaume-Uni, elles sont proposées au prix de 299 dollars aux États-Unis et 329 euros en Italie. La date de commercialisation en France est annoncée, pour le moment, en mars 2022.

Déclinées sous 3 formes (wayfarer, ronde et meteor) et en 4 coloris (du noir au vert olive), les Stories offrent une large gamme de verres (transparents, solaires et Transitions®). Si ces lunettes reprennent les formes iconiques de Ray-Ban, de nombreux ajouts sont visibles en les prenant en main. Concernant la face avant de la monture tout d’abord, on remarque sur chaque côté, la présence d’un cercle qui renferme une caméra munie d’un capteur de 5 mégapixels, ainsi que l’intégration sur la gauche d’une petite diode s’allumant lorsque les caméras enregistrent. Sur les branches ensuite, on y trouve la présence discrète de haut-parleurs, de microphones, d’un bouton d’alimentation, d’un autre de capture et d’une barre tactile de navigation.

Rechargeables une fois placées dans leur étui et disposant d’une autonomie annoncée de 6 heures, les Stories permettent de prendre des photos ou d’enregistrer des courtes vidéos au format carré de 30 secondes maximum. Pour cela, il suffit d’appuyer sur le bouton de capture ou en disant « Hey Facebook, take a picture » ou « take a video », la commande vocale n’étant ni reconnue (pour le moment ?) en français, ni compatible avec un assistant vocal autre que celui de Facebook. Posséder un compte Facebook est d’ailleurs obligatoire pour pouvoir utiliser les lunettes.

Plongé dans plusieurs affaires retentissantes remettant en cause la neutralité de Facebook et la protection des données privées des utilisateurs qui utilisent le réseau social, dont 98% des revenus proviennent de la publicité, Meta a tenté de rassurer les potentiels acquéreurs des Stories concernant la protection de leur vie privée. Tout d’abord, la présence d’une diode lumineuse informe les personnes lorsqu’elles sont filmées ou photographiées. Ensuite, l’intégration d’un bouton marche/arrêt physique garantit l’impossibilité de prendre un cliché ou une vidéo une fois la paire éteinte. Enfin, concernant les données collectées, Facebook assure n’utiliser que les données nécessaires et qu’il est possible d’interdire la collecte de données supplémentaires. On notera que les données nécessaires sont tout de même déjà assez nombreuses.

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© Méta

La mémoire interne intégrée aux lunettes offre une capacité de stockage limitée équivalente à une trentaine de vidéos de 30 secondes. Cependant, une fois transférées par wifi ou Bluetooth dans l’application dédiée Facebook View, les photos et vidéos sont automatiquement effacées de la mémoire des Stories. L’application dispose de fonctions basiques de retouche, de création d’animations avec des effets de profondeur et de mouvement. Elle permet ensuite de partager ou d’importer le résultat vers n’importe quel réseau social, sa boîte mail ou encore les différentes messageries.

La fiche technique et les possibilités offertes par les Ray-Ban Stories sont pour le moins limitées : la qualité et la définition photo ou vidéo n’égalent pas celles de la majorité des smartphones actuels. Même constat pour la partie audio qui, si elle a l’avantage de dépanner, remplace difficilement un kit mains libres ou des écouteurs standards, en particulier à l’extérieur. L’absence d’affichage sur ou dans les verres rend rapidement indispensable l’utilisation de son smartphone et exclut d’emblée tout élément de réalité augmentée ou virtuelle. Elles sont même moins abouties que certains modèles de lunettes connectées lancés sur le marché il y a déjà quelques temps. On pense en particulier ici aux Spectacles 3 de Snapchat ou encore pour la partie audio aux Frames de Bose.

Malgré ces réserves, ces lunettes connectées ont le mérite d’offrir une intégration convaincante des composants électroniques dans une paire qui ne dénote pas avec le design et l’univers Ray Ban. C’est peut-être le plus important. Il ne s’agit, rappelons-le, que d’une première mouture qui fait figure de test pour Meta. Le fait de porter une paire estampillée de la marque iconique de la Wayfarer et l’Aviator permet également de contourner les possibles réticences pour certains utilisateurs d’afficher un logo Facebook ou Meta sur leurs lunettes. Enfin, les Stories marqueront l’histoire de la firme comme la première tentative d’intégration physique de Meta à notre quotidien et il ne fait aucun doute que les futurs modèles offriront plus de possibilités de se rapprocher davantage de l’objectif du géant des réseaux sociaux : le métavers.

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© RayBan Stories

De Facebook à Meta : en route pour le métavers

Si depuis l’annonce du changement de nom du groupe Facebook en Meta fin octobre 2021, le terme de métavers (ou metaverse en anglais) est très largement utilisé dans les médias, l’expression n’est pas vraiment nouvelle. Contraction de méta (du grec μετὰ, signifiant succession, changement, transformation) et univers, elle apparaît pour la première fois en 1992 dans Snow Crash (traduit en français par le Samouraï virtuel), roman de science-fiction de Neal Stephenson. L’œuvre de cet auteur américain a grandement contribué à fonder le postcyberpunk. Ce sous-genre de la science-fiction développe des histoires se déroulant dans un futur proche et réaliste. Il aborde notamment le thème de l’impact social et psychologique lié à l’omniprésence grandissante des nouvelles technologies (nanotechnologie, génétique, intelligence artificielle…).

Le livre de Neal Stephenson imagine une Amérique apocalyptique où un magnat de l’industrie crée un monde virtuel connecté au monde réel surnommé métavers. Dans cet univers partagé mêlant réalité augmentée et réalité virtuelle, les gens peuvent échapper au monde extérieur réel via leur avatar personnalisé. On découvre au fil du livre que ce métavers est en réalité un moyen pour son créateur d’accroître son pouvoir en surveillant, en analysant et au final en contrôlant l’esprit de ses utilisateurs…

Si la finalité affichée du groupe Meta concernant cet univers n’est pas (espérons-le !) la même que celle du magnat du roman de Neal Stephenson, le concept de métavers est lui très similaire. Successeur de l’Internet mobile pour Mark Zuckerberg, la conception d’un métavers ne se résume pas à porter un casque de réalité virtuelle pour jouer dans un environnement 3D ou participer à une réunion de télétravail via un avatar, à l’instar de l’application Horizon Workrooms lancée en bêta l’été dernier et proposée par Oculus, propriété de Meta qui vient d’être renommé… Meta Quest !

L’objectif déclaré de Meta va bien plus loin. La firme californienne rêve d’un monde en ligne dans lequel les utilisateurs pourraient se rencontrer, travailler, jouer, participer à des évènements culturels, visiter des lieux, acheter dans des boutiques… D’ici quelques années, les casques et lunettes mélangeant réalité virtuelle et réalité augmentée (ce qu’on appelle la réalité mixte) permettront de se déplacer simplement dans cet univers. Bref, le fondateur du réseau social en est convaincu : l’Internet mobile tel que nous le connaissons vit ses dernières années. À tel point qu’il a déclaré cet été dans un long entretien au site américain The Verge, qu’il espérait que « d’ici cinq ans environ, les gens nous perçoivent avant tout comme une entreprise de métavers ».

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© Méta

La mise en place progressive d’un écosystème complet conçu pour le Metavers

Si le projet peut encore apparaître abstrait voire utopique pour certains, Meta se met sérieusement en ordre de bataille pour être un des piliers de cette potentielle terre promise dont l’économie pourrait atteindre 1 500 milliards de dollars d’ici 2030, selon le géant de l’audit et du conseil PwC. Ainsi, le groupe de Mark Zuckerberg, dont les profits n’ont jamais été aussi importants qu’en 2021, consacre déjà 20% de ses effectifs, soit plus de 10 000 personnes, à l’édification de leur métavers. En octobre dernier, Meta a également annoncé embaucher, rien qu’en Europe, 10 000 ingénieurs supplémentaires d’ici 5 ans. Une enveloppe annuelle supplémentaire d’au moins 10 milliards d’euros accompagnera ce nouveau projet. L’idée ultime derrière tous ces investissements réside dans le contrôle de tout l’écosystème lié au métavers, depuis l’accès à Internet, jusqu’à l’utilisateur final.

Parce que 99% des données internet mondiales passent dans les câbles optiques sous-marins, la firme de Mark Zuckerberg a massivement investi dans ce domaine. Deuxième investisseur après Google parmi les GAFAM (GAMAM devrait-on dire désormais) dans le déploiement de ces câbles, Meta s’est associé avec des groupements d’entreprises pour déployer Internet entre tous les continents à l’image de 2Africa, un câble de 45 000 kilomètres (le plus long du monde) et qui permettra de relier l’Afrique à l’Asie et l’Europe à partir de 2024.

Parce que le succès du métavers passera nécessairement par la création de contenus, d’applications et d’un système de monétisation adaptés, Mark Zuckerberg tente d’attirer un peu plus les développeurs et les créateurs. Il a ainsi annoncé en juin dernier, reverser l’intégralité des paiements liés aux événements payants retransmis en direct sur ses plateformes (concerts, cours de cuisine, de sport etc.) à leurs créateurs, et cela jusqu’en 2023. S’attaquant frontalement à Apple, il a promis aux développeurs de mettre en place une commission inférieure aux « 30% qu’Apple et les autres prennent » en attendant qu’un système de partage des revenus soit instauré sur ses plateformes.

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© Méta

Les achats dans un métavers comprendront nécessairement l’achat de biens virtuels de toute sorte, de l’œuvre d’art numérique, à la mode, en passant par les biens immobiliers ( !)… L’authenticité de ces biens virtuels est garantie par des jetons qu’on appelle NFT (Non Fungible Tokens). C’est la blockchain, une technologie qui protège de la falsification et de la modification et qui assure la valeur de ces biens virtuels. Parce que l’acquisition de ces NFT se fait très majoritairement par l’emploi de cryptomonnaies, Meta a créé la sienne appelée le Diem et qui n’attend que l’agrément des régulateurs pour être lancée. On notera également le succès fulgurant de Facebook Pay, système de paiement par lequel Facebook enregistre les données bancaires à la place du vendeur, qui a cumulé pour plus de 100 milliards de règlements depuis son introduction en 2019 sous l’égide de l’ancien CEO de PayPal.

Dernier maillon de la chaîne de cet écosystème : l’interface matérielle, qu’elle soit sous la forme d’un casque ou de lunettes, se divise en 4 projets. Le premier s’est concrétisé par le rachat en 2014 du fabricant de casques de réalité virtuelle Oculus, renommé Meta Quest, qui propose la gamme Quest, des casques de réalité virtuelle pensés pour le jeu et le divertissement. Le second est le projet Cambria. Celui-ci coexistera avec la gamme Quest et proposera des casques haut de gamme aux fonctions plus avancées avec notamment un suivi du regard et la capture d’expressions du visage. Le lancement est prévu en 2022.

Le troisième projet concerne les lunettes connectées et s’est matérialisé par le partenariat avec EssorLuxxotica via les Ray Ban Stories. Le dernier chantier se révèle encore plus ambitieux et complète l’offre en lunettes connectées de Meta : le projet Nazare. Évoqué le mois dernier lors de la conférence Facebook Connect, ce projet encore embryonnaire a pour ambition de concevoir des lunettes portables au quotidien dotées de tout l’arsenal technologique à même de répondre aux futurs besoins du métavers. Du propre aveu de Mark Zuckerberg, concevoir et miniaturiser tous ses composants va demander beaucoup de temps et de telles lunettes prendront des années à voir le jour. Dans tous les cas, si l’idée d’un tel univers peut faire, au choix, sourire, rêver ou inquiéter, une chose est certaine : aucun géant du numérique ne veut passer à côté de ce qui pourrait être la prochaine révolution d’Internet et certainement pas Meta !

Écrit par Thomas Bernard