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Culture lunettes

Serge Gainsbourg et ses lunettes noires

Le 2 mars 1991, Serge Gainsbourg nous quittait, à 62 ans. A l’occasion des 30 ans de sa disparition, on s’est intéressé aux lunettes du chanteur. Derrière ses verres noirs, Gainsbourg devenait Gainsbarre pour mieux enchaîner les provocations tout en conservant sa pudeur. Récit d’une dissimulation symbolique.

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Photo gauche : © Marly/Drouot - photo droite : Serge Gainsbourg au 5 bis rue de Verneuil, à Paris (1987), par Pierre Terrasson, vendue par Drouot

Comme pour Karl Lagerfeld ou Elton John, les lunettes font partie intégrante du personnage Gainsbourg. Quand Serge devient, dans les années 80, Gainsbarre, on ne le voit presque plus jamais en public sans ses montures noires aux verres tout aussi sombres. Comme ses jeans élimés, sa barbe naissante, sa cigarette (une Gitane) et ses Repetto blanches (sans chaussettes), elle signent sa silhouette légendaire, son allure de poète maudit. Sur les plateaux télé, comme lors de séances photos à son domicile, rue de Verneuil, l’homme à la tête de chou se cache derrière ses solaires.

La nuit aussi, dans les bars et les clubs, il leur reste fidèle. Ces lunettes lui servent de masque, de rempart contre le reste du monde et semblent le protéger de ceux qui l’entourent. Le regard planqué, il peut enchaîner de nombreuses provocations verbales, souvent sous l’influence de l’alcool. Le chanteur ne se trouvait pas beau et avait fait de ses complexes des sujets de chansons. Il chantait notamment : « La beauté cachée des laids se voit sans délai. »

Cherchait-il à s’inventer un nouveau moi en même temps qu’il était en train de s’autodétruire avec ses excès ? Séparé de Jane Birkin, le chanteur pouvait aussi se servir de ses lunettes pour ne pas montrer son chagrin, même s’il avait retrouvé l’amour avec Bambou. Les dix dernières années de sa vie, l’artiste était marqué par des articles à son sujet qui critiquaient notamment La Marseillaise et la façon dont il brûla un billet à la télévision. Il se sentait incompris. Les yeux étant le miroir de l’âme, les dérober au regard du public lui permettait sans doute plus de pudeur, mais aussi, de liberté.

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© Marly/Drouot

Des lunettes de star

Encore aujourd’hui, les lunettes noires de Gainsbourg font l’objet d’un culte. Les modèles qu’il portait étaient en fait signés de la marque Marly et plus particulièrement de la ligne Marly Sport.

L’opticien français Pierre Marly, qui concevait des lunettes très travaillées en écaille, cuir ou bois était très prisé des personnalités dans les années 50 et 60. Le « Tout Paris » fréquentait sa boutique ouverte au début des 50’s à Paris, rue François 1er. Il créa des modèles spéciaux pour Audrey Hepburn (qui porte des Marly pour le film Charade sorti en 1963) et Sophia Loren (des lunettes en forme d’écrans de télévision). Parmi ses clients fidèles, on comptait également Romy Schneider, Lauren Bacall, Madonna, Marlene Dietrich, Michel Serrault, Michou, Lino Ventura, Michel Legrand, Valéry Giscard d’Estaing, César, Jean Cocteau, Brigitte Bardot, Sophie Marceau, Johnny Hallyday, Elton John, André Courrèges, Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent, Jackie Kennedy, Aristote Onassis, Michel Polnareff (les fameuses lunettes blanches rectangulaires) et Serge Gainsbourg, donc.

Décédé en 2015, l’opticien a contribué à faire de la lunette plus qu’un objet utile, un accessoire de mode apportant du cachet à une tenue. En 2016, deux paires de lunettes Marly que Gainsbourg portait ont été vendues aux enchères chez Drouot. L’une, en acétate noire, avec laquelle on l’avait beaucoup vu en public, s’est arrachée à 2100 euros. L’autre paire, en acétate teinté imprimé écaille marron, avait été commandée par le musicien mais ce dernier n’était jamais venu la chercher. L’opticien Marly existe toujours et vends de nombreuses marques de luxe, au 50 rue François 1er, à Paris. En 1978, le fils de Pierre, Gilbert Marly, a en effet repris la direction de l’entreprise, épaulé par sa fille, Camille Marly.

On peut aussi se procurer des modèles vintage de la marque sur les sites Etsy ou Ebay. Mais mieux vaut être prêt à y mettre le prix car certaines paires, rares, peuvent atteindre les 1300 euros, comme celles immortalisées par Audrey Hepburn. Vous pouvez retrouver ces lunettes de stars dans notre article sur 14 lunettes de soleil mythiques du cinéma.

Écrit par Violaine Schutz