Les lunettes dans la peinture : une histoire mouvementée !
Saviez-vous que Napoléon était myope et qu’il avait des lunettes ? Pourtant, aucun tableau ne représente l’empereur une paire de binocles sur le nez. Scruter les lunettes dans la peinture est un bon moyen de comprendre le lien qu’entretenaient nos aïeux avec cet accessoire devenu aujourd’hui, plus qu’une simple nécessité, un véritable objet de mode permettant d’affirmer son style.
Les lunettes, un accessoire peu représenté dans la peinture
Nos ancêtres n’avaient pas moins de problèmes de vue qu’aujourd’hui, pourtant, peu de peintures les représentaient avec leurs lunettes. La réponse à cette absence de lunettes sur les toiles célèbres a été mise en lumière par Michael Pasco dans son livre L’histoire des lunettes vue par les peintres*. En Europe, porter des lunettes était presque considéré comme étant humiliant. Ainsi, Napoléon Ier a toujours pris soin de ne jamais porter ses lunettes en public et Louis XVI, complètement myope, refusait d’en porter. Son caractère étourdi et maladroit qui le décrédibilisait auprès de ses détracteurs était d’ailleurs en partie dû à cette myopie qui l’isolait un peu du monde… Pour l’anecdote, Michael Pasco explique qu’au XVIIIème siècle, un dicton français disait « bonjour lunettes, adieu fillettes », ce qui montre bien tout ce que nos ancêtres pensaient des lunettes ! Hors de question, dans ce cas, de se faire faire le portrait des bésicles sur le nez. En Espagne, en revanche, c’était tout l’inverse : dès le XVIème siècle, les lunettes étaient signe de noblesse ou de fortune, en raison du prix de l’accessoire.
Petit point historique pour y voir plus clair
Les premières lunettes de l’Histoire, appelées bésicles, ont fait leur apparition vers 1280 dans le Nord de l’Italie. Sans branche, elles étaient uniquement constituées de verres enchâssés reliés par un axe central. Les premiers tableaux représentant des personnages à lunettes datent quant à eux de 1352 comme l’explique Michael Pasco dans son livre. A cette époque, la peinture avait pour but d’imiter parfaitement la nature. Les seuls tableaux datant du XIVème jusqu’au XVIème siècle où l’on aperçoit des lunettes sont donc une source d’information précieuse pour connaître l’évolution de cet accessoire puisqu’il est représenté avec minutie. Grâce à la précision de ces peintures, il est possible de connaître la forme des premières lunettes et de savoir de quelle manière elles étaient utilisées.
Les lunettes comme symbole d’érudition
Si le cliché des lunettes de vue comme symbole d’érudition est encore très présent dans la pop culture, il s’explique aussi par l’histoire de l’accessoire. Seuls les plus riches pouvaient s’offrir des bésicles en raison du prix de l’objet. Ceux qui en portaient au quotidien étaient aussi bien souvent ceux que l’on appelait des intellectuels (hommes de sciences, écrivains, clergé ou philosophes), afin de pouvoir lire et écrire jusqu’à un âge avancé. Durant plusieurs siècles, les lunettes ont donc été reliées à l’intellect, puisqu’elles étaient visibles uniquement sur le nez des personnes détenant le savoir. Les binocles sont donc devenus pour les peintres un symbole permettant de représenter un personnage érudit. Ce qui explique quelques anachronismes : certains peintres ont représenté des personnages célèbres avec des lunettes pour souligner leur intellect, alors qu’ils n’en ont jamais porté de leur vivant puisque l’accessoire n’existait pas encore à leur époque.
* Michael Pasco, L’histoire des lunettes vue par les peintres, Paris, Boubée, 1995, 123p.
Vous pouvez retrouver une partie de ces modèles de lunettes au musée de la lunetterie de Morez
Écrit par Clara Crochemore