Quand le Japon interdit le port de lunettes aux femmes
Au Japon, de nombreuses entreprises exigent des femmes qu’elles ne portent pas de lunettes au travail. Une attitude étrange et sexiste qui est très critiquée sur les réseaux sociaux.
Au Japon, où la figure de la Geisha a vu le jour, les femmes sont soumises à de nombreux diktats. Au travail, elles doivent porter des talons hauts pour avoir l’air féminines et plus « professionnelles » selon ceux qui les emploient. Elles subissent également aussi souvent l’injonction de ne pas se teindre les cheveux pour les garder noirs. Autre obligation saugrenue, que ce soit dans le secteur de la vente, de la beauté, de la restauration ou dans les compagnies aériennes, les lunettes sont bannies. Les arguments de leurs patrons pour défendre cette étrange règle ? Les lunettes donnent une « expression froide », ne sont pas assez féminines, cachent le maquillage de la personne et posent des problèmes de sécurité. Dans le domaine culinaire, les patrons de restaurants estiment même qu’elles font tâche avec le style du vêtement traditionnel japonais (le kimono).
Révolte numérique
Que se passe-t-il alors pour celles dont les problèmes de vue les empêchent de travailler sans leurs verres correcteurs ? Les managers leur demandent de porter des lentilles. Sauf que tout le monde ne supporte pas les lentilles, notamment ceux et celles qui souffrent du syndrome de l’œil sec ou dont la rétine est abîmée. Les lentilles sont parfois inconfortables à arborer pour d’autres problèmes passagers. La résistance s’organise donc sur Twitter depuis l’année dernière contre ce principe sexiste et absurde avec le hashtag #glassesban. Une jeune femme raconte ainsi qu’elle a été forcée à porter des lentilles malgré une conjonctivite, ce qui s’est avéré très douloureux. D’autres ripostent en postant sur le réseau social des photos d’héroïnes de mangas à lunettes et des photos de jolies filles avec des montures. On peut lire aussi des déclarations d’amour envers les femmes à montures. Mais les lunettes restent semble-ils un sujet sensible au Japon. Sur le site de questions-réponses Quora, plusieurs internautes remarquent que les Japonais portent peu de lunettes de soleil dans la rue, alors qu’ils n’hésitent à se parer de masques et d’ombrelles. Avoir des lunettes noires sur le nez en public serait souvent perçu comme malpoli et mal vu chez les enfants car jugé «trop branché».
Savoir faire ancestral
Rappelons tout de même pour mettre fin aux préjugés et théories farfelues que dans l’archipel nippon, les grands noms de la lunetterie ne manquent pas, ni les matériaux d’exception. La spécialité du pays du soleil levant sont les lunettes en titane (qui vient notamment de la ville de Sabae) qui allie solidité et légéreté. Parmi les créateurs, il y a Masunaga, une marque fondée en 1905 dont les modèles sont fabriqués à la main. On peut aussi citer Matsuda, qui utilise des métaux luxueux comme l’or. Plus abordables mais très mode, les lunettes de la marque JINS séduisent les jeunes actifs les plus branchés. On peut aussi parler de Yuichi Toyama, Danshari, Yellow Plus, Ken Okuyama (qui crée aussi du design automobile), Eyevan 7285 ou encore du groupe Charmant associé aux technologies de pointe. L’artisanat japonais est si réputé en dehors des frontières que des marques étrangères comme DITA, Anne et Valentin, Etnia Barcelona ou Tom Browne ont déjà fait appel à l’excellence de la lunetterie japonaise. De quoi contrecarrer les idées reçues.
Écrit par Violaine Schutz