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Focus
interview
Zoom sur les opticiens engagés : Sébastien Bétend, écolo-opticien et pionnier
Quand on parle d’opticiens engagés, impossible de ne pas évoquer Sébastien Bétend. Cet écolo-opticien est un pionnier avec à son actif le premier magasin éco-conçu de France alliant optique-lunetterie et développement durable, ainsi qu’une collection de lunettes fabriquées en France, en matériau recyclable et biodégradable appelée OpSB. Zoom sur un irréductible qui n’a pas peur des défis.
Sébastien Bétend se bat depuis 10 ans dans le milieu de l’optique, avec son franc-parler et la ferme intention de décortiquer chaque étape de fabrication et de vente d’une lunette, pour en faire un produit plus vertueux. Plus que de vendre des lunettes écologiques, il voit sa démarche de manière globale sous le prisme du développement durable, son cheval de bataille. Chacun de ses projets est ainsi pensé en fonction des 3 axes du développement durable : le social, l’environnement et l’économie. L’idée d’utiliser la notion d’éco-responsabilité pour en faire un joli concept marketing le fait bondir. Pas de greenwashing donc chez Sébastien Bétend, mais des actions cohérentes et sincères. Il défend par exemple avec obstination la fabrication française : « Il y a 5 millions de chômeurs en France et plus de 9 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, dont la plupart travaillent, ce qui est quand même inadmissible. Il est donc indispensable de favoriser l’emploi en France. Privilégier la fabrication française permet aussi de limiter l’empreinte carbone, il ne faut pas oublier que 30% de la pollution mondiale est liée aux transports… »
Cet écolo-opticien engagé ne se destinait pourtant pas à un métier dans la lunette. C’est à 29 ans, alors qu’il décide de faire un bilan de compétence chez Pôle Emploi, que la vocation d’opticien s’impose à lui. Après avoir obtenu, en alternance, un BTS Opticien-Lunetier, un DU en optométrie, un DU en lentilles de contact, et une Licence d’Optique, il a travaillé durant 8 ans dans 5 magasins différents. Ses convictions le poussent alors à monter son propre projet, L’OPTIQUE par Sébastien Bétend, unique en son genre.
Le premier magasin éco-conçu de France alliant optique-lunetterie et développement durable
Dans le milieu de l’optique, si la question de montures éco-responsables est de plus en plus présente, rares sont les enseignes à réfléchir aussi à l’impact de leurs magasins. Sébastien Bétend a justement décidé de commencer par-là. Sa boutique, dessinée et mise en œuvre en collaboration avec un architecte lyonnais, a été entièrement conçue avec des matériaux écologiques et locaux, sélectionnés en fonction de leur empreinte carbone. Côté aménagement, il a privilégié la fabrication française, que ce soit au niveau du mobilier, du carrelage, des haut-parleurs, des produits d’entretien, de son aspirateur… que des stylos. Quant à la meuleuse, également fabriquée en France, elle possède un système de recyclage pour éviter le gaspillage de l’eau. Même les toilettes ont été pensées dans l’optique de réduire la consommation d’eau : le lavabo est situé au-dessus du réservoir afin de récupérer l’eau pour la prochaine chasse !
Après 27 mois de travail acharné, il a ouvert son magasin le 27 avril 2012. L’OPTIQUE par Sébastien Bétend est ainsi le premier magasin de France à allier optique-lunetterie et développement durable. Un projet pionnier salué pour son aspect innovant et sa cohérence. Son commerce est, en 20 ans, le seul de l’agglomération lyonnaise à avoir été visité et reconnu par l’Agence Locale de l’Énergie et du Climat (ALEC) pour son éco-conception et son isolation thermique. En 2012, son magasin a été labellisé « Lyon Ville Équitable et Durable » et il a également reçu le prix du Développement Durable dans le cadre du concours Lyon Ville de l’Entrepreneuriat ainsi que le prix de l’Innovation Commerciale.
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Plus que du Made in France, des lunettes (vraiment) fabriquées en France
Lorsque Sébastien Bétend a ouvert sa structure, il n’a voulu faire aucun compromis. Il a décidé de vendre uniquement des lunettes fidèles à ses convictions, tout en essayant de proposer un panel suffisamment large de matières, de couleurs, de styles et de marques différentes. Pour sélectionner des montures éco-responsables, le critère du Made in France ne lui semblait pas suffisant : « A l’époque, on pouvait prétendre au « Made in France » à partir du moment où 45% de la valeur ajoutée était réalisée en France. Il était donc possible d’avoir des lunettes dites Made in France dont la face et les branches avaient été fabriquées à bas coût en Asie, tant que l’assemblage et/ou la coloration étaient faits en France. Ce n’était donc pas fabriqué en France, mais c’était du Made in France… » Quant au label Origine France Garantie (OFG), s’il représentait et représente toujours un indicateur fiable et beaucoup plus poussé que le Made in France, il reste coûteux, ce qui explique que peu de fabricants français de lunettes peuvent se le procurer. « Je me suis demandé comment je pouvais faire pour être sûr que les lunettes que je vendais soient fabriquées en France. J’ai donc décidé de créer ma propre charte écrite. », explique-t-il. Les fabricants, pour vendre leurs lunettes de vue chez Sébastien Bétend, ont dû signer un certificat stipulant que les grandes pièces des montures (faces et branches) étaient bien fabriquées en France, et que les conceptions, colorations (pour les lunettes en bois et/ou en métal), assemblages et finitions étaient réalisées en France. Ces documents sont mis à disposition en boutique pour les clients qui souhaitent les consulter. Concernant les lunettes de soleil, la charte a été élargie au niveau de l’Europe « A l’époque, les solaires fabriquées en France étaient positionnées plutôt « haut de gamme » et je voulais que les prix restent accessibles », précise Sébastien Bétend. « Ce fut un travail de longue haleine pour trouver de vrais fabricants français répondant à mes exigences, j’ai dû y passer des centaines d’heures », ajoute-t-il. Au final, l’opticien a réussi à rassembler plus de 1000 références de montures optiques différentes à partir de 69 E TTC. Pour les verres, il a également choisi de travailler avec un verrier français qui fabrique verres unifocaux et verres progressifs en France.
OpSB, des lunettes écologiques et éthiques fabriquées en France
Soucieux d’aller plus loin dans sa démarche, Sébastien Bétend a décidé de créer en 2014 sa propre collection baptisée OpSB (pour Optique par Sébastien Bétend). Ecologiques, les montures sont en bio-acétate, un matériau 100% recyclable et biodégradable à 80% en 5 ans en terre. Elles sont fabriquées en France – faces, branches et armatures métalliques à l’intérieur des branches, conceptions, assemblages, finitions, tout comme les étuis et la PLV – à moins de 200km de son magasin (sauf pour la PLV) pour favoriser le savoir-faire français et le circuit-court. Côté prix, l’opticien reste fidèle à son principe d’accessibilité puisque les OpSB sont vendues à partir de 169€, prix public TTC. La nouvelle collection sortira courant avril 2020, et certaines plaques de matériau seront biodégradables à 97,7 % en 90 jours en terre.
Du coaching pour guider les opticiens vers un modèle plus responsable
L’écolo-opticien a choisi de revendre sa boutique en mars 2019 pour développer une offre de coaching dédiée aux opticiens désireux de se lancer dans le développement durable et la fabrication française. Un accompagnement qu’il propose depuis 2013 et qui s’adresse aux opticiens en phase de création ou souhaitant transformer leur magasin pour y favoriser la vente de produits écologiques et fabriqués en France et/ou changer leurs pratiques pour prendre en compte l’impact sur les gens et sur la planète.
L’occasion aussi pour Sébastien Bétend de partager l’expertise acquise à travers son projet qui représentait un véritable défi. Ce haut-savoyard d’origine a en effet décidé de s’implanter non pas dans le centre de Lyon, mais à Bron, sans réseau ni fichier client puisqu’il a repris une ancienne bijouterie ayant subi quatre braquages. A sa création, sa boutique comptait 5 concurrents à moins d’un kilomètre. Son choix de boycotter les grandes marques, les 2ème paires gratuites et les réseaux fermés des mutuelles était également un parti-pris à risque, tout comme sa décision de créer un concept novateur et pionnier, donc périlleux. Il a pourtant réussi à remporter ce pari audacieux en léguant sa boutique avec un fichier de 2400 clients provenant de 15 départements et de Suisse.
Pour en savoir plus : www.sebastienbetend.fr
Écrit par Clara Crochemore