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Culture lunettes

Alerte cliché : la fille à lunettes qui devient belle quand elle les enlève

Vous avez sûrement vu et revu ce cliché dans un film, une série et même dans un clip de musique. Quand les lunettes ne sont pas symbole d’érudition, elles sont utilisées dans la pop culture, surtout pour les personnages féminins, comme signe d’enlaidissement. Retour sur ce stéréotype qui ne date pas d’aujourd’hui.

Les films, où les réalisateurs ont eu la bonne idée d’utiliser les lunettes de vue comme accessoire pour marquer la laideur de leurs personnages féminins, ne manquent pas. On ne sait pas exactement comment ce lien de cause à effet a vu le jour mais ce que l’on peut affirmer c’est que ce cliché est relativement bien ancré dans nos imaginaires. Le scénario est souvent le même : une jeune fille qui porte des lunettes de vue, un appareil dentaire, qui a un style qui sort de l’ordinaire et qui pour couronner le tout est intelligente trouve l’amour dès lors qu’elle enlève ses lunettes et subit un relooking. Avant cela, elle est, en général, invisible aux yeux de ses camarades de classe, ou bien est moquée pour son apparence. Dans le film Elle est trop bien, de Robert Iscove, sorti en 1999, Laney Boggs est considérée comme une lycéenne quelconque. Elle a un style qui sort de la norme, porte des lunettes, n’a pas les sourcils épilés, se fiche de son apparence et est une artiste incomprise. Zach, le beau gosse du lycée vient de se faire larguer par sa copine. Il a tout pour lui, il est intelligent, fait partie de l’équipe de foot et les autres lycéens ne rêvent que d’une chose : qu’il leur adresse ne serait-ce qu’un regard. Ses amis le mettent au défi de prendre n’importe quelle fille et d’en faire un canon d’ici le bal de fin d’année. Quand Dean, son meilleur ami, choisit Laney (sans qu’elle ne le sache) pour ce pari, Zach la qualifie de « flippée inaccessible » parce qu’elle porte des lunettes et qu’elle n’est pas conforme aux normes de beauté de son lycée. Quand le bellâtre commence à s’intéresser à elle, la jeune fille n’y croit pas. Elle se qualifie de « loser » et de « moche », encore une fois tout cela dû au fait qu’elle porte une simple paire de lunettes. Summum du stéréotype, on en arrive au moment où le jeune homme lui demande si elle porte toujours ses lunettes et si elle n’a pas envisagé l’option lentilles. Le constat est sans appel et l’idée reçue est confirmée : on ne peut pas être belle quand on porte des lunettes…

je suis belle sans mes lunettes alexandra Neldel, Le destin de Lisa

© Alexandra Neldel, Le destin de Lisa

je suis belle sans mes lunettes Katy Perry, Last friday night screen

© Katy Perry, Last friday night screen

je suis belle sans mes lunettes America Ferrera, Ugly Betty

© America Ferrera, Ugly Betty

« Better, much better »

Même constatation dans le film Princesse malgré elle avec Anne Hathaway dans le rôle principal. Elle interprète le personnage de Mia, une jeune fille qui découvre qu’elle est princesse sauf qu’il y a un hic. Sa grand-mère (la reine) juge que le look de sa petite-fille ne fait pas honneur à la fonction et décide qu’elle a besoin d’un relooking pour être présentable. La personne en charge de ce dernier casse les lunettes en deux de la jeune fille et lui demande si elle a des lentilles. Elle explique qu’elle n’aime pas trop les porter et il lui dit que maintenant que ses lunettes sont cassées, elle a une raison de le faire. Le résultat du relooking est dévoilé à la grand-mère, et elle s’exclame « Better, much better », soit « C’est mieux, beaucoup mieux ». Une belle image de l’acceptation de soi montrée aux plus jeunes qui regarderont ce film, qui complexeront peut-être à l’idée de porter des lunettes et feront le lien biaisé entre laideur et lunettes. Créneau similaire pour Ugly Betty, interprétée par America Ferrera, qui porte des lunettes de vue, un appareil dentaire, a un style bien à elle et tente malgré tout de se faire une place dans le monde de la mode. Cette série est inspirée d’une télénovela colombienne Yo soy Betty, la fea, autrement dit « Je suis Betty, la moche », diffusée entre 1999 et 2001. Evidemment, le pitch est le même, le personnage principal est « une femme peu attirante mais intelligente » qui doit « supporter les insultes et le mépris constant de ses collègues ». Autre adaptation de cette télénovela, allemande cette fois-ci, Le destin de Lisa, qui est résumée ainsi : « une jeune femme au physique peu avantageux tente de réussir dans le milieu impitoyable de la mode ». Les exemples ne manquent pas et on peut d’ailleurs penser à Katy Perry dans son clip Last friday night, où elle joue une ado avec de grosses lunettes, un appareil dentaire et l’envie débordante de sortir avec le beau gosse du lycée. Enfin, on n’oubliera pas le rôle de Marilyn Monroe dans Comment épouser un millionaire. Elle joue une myope, « contrainte » de porter des lunettes qu’elle déteste mettre en présence des hommes puisque comme elle le dit « Men aren’t attentive to girls who wear glasses », soit, « les hommes ne font pas attention aux filles qui portent des lunettes ».

je suis belle sans mes lunettes Rachel Leigh, Cook in shes all that

© Rachel Leigh, Cook in shes all that

je suis belle sans mes lunettes marilyn monroe How to marry a millionaire

© Marilyn Monroe, How to marry a millionaire

je suis belle sans mes lunettes Ana Maria Orozcon, Yo soy betty la fea

© Ana Maria Orozcon, Yo soy betty la fea

Adieu lunettes, bonjour beauté ?

Le message véhiculé est clair. Pour être belle, vous ne devez pas porter de lunettes mais plutôt opter pour des lentilles. Et pendant que vous y êtes, épilez-vous les sourcils et changez de style. Bien sûr, ce cliché ne date pas d’hier, ni d’aujourd’hui, et on espère qu’il ne reflète pas la réalité même si des philosophes comme Charles Dollfus, se sont demandé « Que la plus séduisante femme du monde mette des lunettes, elle perd son charme, — pourquoi ? » À nous de nous poser une question et de chercher à comprendre comment cette invention censée améliorer nos vies, en nous offrant une meilleure vue, a-t-elle pu se transformer, entre autres, en un signe de laideur dans la pop culture ? Spoiler alert : il n’y a malheureusement pas de véritable explication, ni d’étude qui pourrait tenter d’apporter des éléments de réponse… D’ailleurs, ce stéréotype véhiculé à travers les films n’a sûrement pas dû aider le monde de la lunette puisqu’elles ont longtemps été considérées comme un fardeau alors qu’elles sont devenues un accessoire prisé dans les dressings de nombreuses fashionistas. Certains complexes persistent malheureusement puisqu’il est possible de retrouver sur la toile des questions de jeunes filles, sur des forums, qui se demandent encore « Comment faire pour que les lunettes ne soient pas un désavantage physique ? » Serait-ce la preuve que ce cliché a encore de beaux jours devant lui ?

Écrit par Kahina Boudjidj